Témoigner sans paroles ?

En tant qu’enseignant dans la fonction publique, il m’est interdit de manifester mes convictions religieuses dans l’exercice de ma fonction. Même si dans le secteur professionnel privé, le principe de laïcité peut rencontrer plus de souplesse, beaucoup d’employés chrétiens sont aussi contraints à une certaine forme de retenue pour ce qui concerne l’annonce de l’Évangile. Il n’est donc pas toujours possible de parler aussi librement de sa foi dans le cadre du travail. Alors comment faire pour témoigner « en silence » ?

Témoigner par ses actes

Je suis convaincu qu’il y a mille et une manières de témoigner par des actes au quotidien : nos réactions face à l’injustice, notre choix pour dire la vérité plutôt que le mensonge, notre attitude quand le découragement ou la critique auraient tendance à l’emporter… Et le temps joue aussi en notre faveur : beaucoup ont peut-être déjà constaté qu’une fois la confiance installée, les langues se délient plus facilement et les questions peuvent surgir.
C’est donc avec beaucoup d’enthousiasme que j’ai repris, il y a un an maintenant, un travail séculier, plein d’espoir pour de nouvelles possibilités de témoignage. Avec mon expérience pastorale, je me croyais suffisamment armé. Pour cela, j’étais parti avec plein de bonnes résolutions : être toujours positif, souriant même les jours de mauvais temps, à l’écoute, prêt à rendre service dès que possible, jamais dans la médisance ou la plainte…
La réalité a vite rattrapé ma naïveté. Très rapidement, les difficultés de mon quotidien professionnel m’ont devancé. Et combien alors j’ai été déçu par mon témoignage. Mes actes ne sont finalement pas si différents que ceux de mes collègues. Je me suis redécouvert si incohérent entre mon attitude et ma foi. Il m’est même arrivé d’espérer parfois que mes collègues aient pu oublier que j’étais pasteur.
Et quand le travail a été pour moi source de souffrances durant cette première année, je dois avouer que souvent j’ai volontairement fui mes responsabilités d’être sel et lumière du monde.
Je suis persuadé que le témoignage « sans proclamation » a donc ses limites : nos actes ne sont pas souvent à la hauteur. Il nous arrive même de donner une image à l’opposé de celle que nous souhaiterions montrer. Dans notre témoignage par les actes, reconnaissons-le, nous restons des disciples imparfaits. Nous portons certes un trésor en nous, mais dans des vases d’argile qui restent bien fragiles.
L’expression souvent utilisée : « prêche l’Évangile, utilise des paroles si c’est nécessaire » me paraît donc bien dérangeante. Je suis convaincu qu’un témoignage sans parole finit par devenir bancal à un moment donné.
Sur quoi est-ce que je veux mettre l’accent ? sur ma vie ou sur quelqu’un d’autre ?

Les limites

La Bonne Nouvelle expose d’abord ce qui a été fait pour nous, avant de parler des fruits que cela doit produire en nous. Si témoigner c’est témoigner d’un autre et non de nous, alors cela doit nous libérer du souci du résultat, de réussir dans le domaine du témoignage par les actes. Témoigner, c’est faire confiance que Dieu m’utilise si imparfait que je sois, sans que je m’en rende toujours compte et sans connaître l’impact que mon attitude aura. Témoigner c’est semer, tout en se rappelant que c’est Dieu qui fait croître.

Accepter

Combien de fois je préfèrerais parler de Jésus et de ce qu’Il a fait pour moi. Je préfèrerais le mettre en avant, lui plutôt que moi.
Quand nous ne pouvons pas témoigner ouvertement de notre foi au travail, nous devons donc apprendre à gérer la frustration de ne pas pouvoir en dire plus. Je ne peux pas dire à cet élève qui souffre que je prie pour lui et que je connais celui qui peut changer sa vie. Combien c’est parfois décourageant lorsque des collègues ne posent guère de questions sur ce qui motive notre vie.
Au travail, lorsque le principe de laïcité est à respecter strictement, je reste néanmoins sel et lumière du monde, mais limité dans mes possibilités d’action et de parole. Je dois donc accepter que je ne maîtrise pas tout et cela m’apprend à dépendre de Dieu. Je dois lui faire confiance que mon témoignage lui appartient et que c’est lui qui peut en faire quelque chose.

Quand Jésus s’invite

Même si durant cette année, témoigner de Jésus est resté bien pauvre à mes yeux, je n’oublie pas ces quelques épisodes, où j’ai été surpris de le voir bien présent dans le cadre de mon travail. Même lorsqu’il n’est pas le bienvenu, Jésus s’invite quand même.
L’exemple le plus marquant a été le suivant :
Le programme d’Histoire de 6e aborde l’histoire du peuple hébreu et les débuts du christianisme. Je n’ai même pas eu à choisir des textes, puisque les manuels ont permis à mes élèves de lire plusieurs textes bibliques fondamentaux : les dix commandements, des extraits des évangiles… En étudiant l’origine des fêtes chrétiennes, pour beaucoup d’élèves c’était une réelle découverte d’entendre que Jésus est mort sur une croix et que les chrétiens croient en la résurrection. Les questions ont fusé : pourquoi est-il mort ? Où est-il s’il est ressuscité ?
En respectant mon devoir de neutralité, je me suis autorisé à répondre à beaucoup de leurs questions par un « aujourd’hui, les chrétiens croient encore que… »

Jésus s’est invité, la parole de Dieu a été lue… alors que je ne m’y attendais pas, et cela malgré mon témoignage imparfait.

Extrait de la rubrique « En mission » de Christ-Seul – octobre 2021

Par Marc KUHN

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